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  Journal de la Senne n° 18 - mars 2015    
 
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Le canal Charleroi-Bruxelles

Le canal Charleroi-Bruxelles est un canal fortement artificiel qui a vu le jour en même temps que la Belgique, vers 1830. Il a été construit principalement pour transporter du charbon, des pierres de carrières et les produits destinés à l’industrie sidérurgique wallonne entre Charleroi et Bruxelles et via le canal de Willebroek vers Anvers. En 1997, le canal de Willebroek, a été détourné grâce à la construction d’une nouvelle écluse, il ne rejoint plus le Rupel, mais se jette directement dans l’Escaut. C’est depuis lors qu’on parle du canal maritime Bruxelles-Escaut et plus du canal de Willebroek.
Le canal de Charleroi-Bruxelles et le canal maritime Bruxelles-Escaut permettent de relier le Sud et le Nord du pays. Lors de la régionalisation, l’autorité portuaire bruxelloises a rebaptisé la portion bruxelloise du canal de 14km 'Port de Bruxelles'.


Un canal qui traverse des collines

Le bassin de la Senne
Une spécificité du canal Charleroi-Bruxelles, c’est que c’est un canal qui permet aux bateaux de franchir un plateau grâce à un ingénieux système d’ouvrages d’art et d’approvisionnement en eau. A son origine, à Charleroi où il est relié à la Sambre, on se trouve à une altitude de 100m au-dessus du niveau de la mer. Jusqu’au bief de partage situé dans le triangle constitué de Courcelles, Strépy et Seneffe, le canal va monter pour arriver à une hauteur de 121m. La différence de hauteur est compensée par 3 écluses.
Ce plateau est aussi la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Sambre (district hydrographique de la Meuse) et le bassin de la Haine et de la Senne (district hydrographique de l’Escaut) Au-delà de Seneffe, le canal coule en direction de Bruxelles et l’Escaut. Via le plan incliné de Ronquières, le canal rachète une dénivellation de 68m sur une longueur de 1400m. Le canal Charleroi-Bruxelles, se termine à Bruxelles, au niveau de la place Sainctelette (à une altitude de 13m), où il rejoint le canal maritime Bruxelles-Escaut.


Les origines du canal

Les premiers plans d’un canal ont été réalisés en 1656, mais c’est en 1827 que les travaux ont commencé. Vers 1832, la Belgique naissante est traversée par une voie d'eau 'moderne' qui relie les charbonnages de Charleroi à Bruxelles et plus loin vers Anvers.
En raison de conditions de terrains difficiles et d’économies, le premier canal entre Charleroi et Bruxelles avait une largeur de 6 m, une profondeur de 2m et comptait 55 écluses!
A l’époque, des 'baquets de Charleroi' de 70 tonnes ralliaient Bruxelles et Charleroi en trois jours. Au cours du 20ème siècle, le canal a fait l’objet d’adaptations, élargissements et approfondissements. En 1968, le plan incliné de Ronquières fut construit afin de remplacer un grand nombre d’écluses. Pendant longtemps, l’axe fluvial ABC (Anvers-Bruxelles-Charleroi) a été la colonne vertébrale industrielle et économique de la Belgique dont Bruxelles et le Brabant étaient la plaque tournante.

Depuis la fermeture des charbonnages et la forte diminution de l’industrie sidérurgique en Wallonie dans les années ‘70, les trafics sur le canal Charleroi-Bruxelles ont fortement diminué. De plus, les ouvrages d’art du canal, surtout dans sa partie wallonne, sont dépassés ce qui entraîne de nombreuses interruptions de navigation. L’été passé par exemple, des pompes défectueuses, qui doivent permettre l’approvisionnement en eau du canal Charleroi-Bruxelles ont entrainé des arrêts de navigation en raison d’un niveau d’eau trop faible.


Une liaison fluviale entre le Nord et le Sud d’une Belgique régionalisée

En 2015, le canal Charleroi-Bruxelles et le canal maritime Bruxelles-Escaut relient toujours la Wallonie et Bruxelles au port d’Anvers. Mais à bien des égards, la situation a changé.
Dans le passé, la gestion du canal était fédérale, mais avec les nombreuses réformes de la Belgique, les compétences de gestion ont été transférées aux entités fédérées.
Au départ de Charleroi, les 48 premiers kilomètres se trouvent sur le territoire de la Région Wallonne. On continue ensuite avec 13 km situés sur le territoire de la Région Flamande (entre Halle et Sint-Pieters-Leeuw), pour ensuite rentrer dans la Région de Bruxelles-Capitale qui s’occupe des 14 km parcourant son territoire.
À la sortie de Bruxelles (à Vilvoorde), c’est la Région Flamande qui reprend la gestion sur les 27 derniers kilomètres avant que le canal ne rejoigne l’Escaut (à Bornem).


Le canal aujourd’hui et à l’avenir

Sur le canal maritime Bruxelles-Escaut, la navigation intérieure ou fluviale ne dépassant pas les 4500 T peut venir jusqu’à l’avant-port de Bruxelles (au nord du pont Van Praet). Depuis là, la plupart des marchandises seront chargées dans ou sur des camions et rejoindront les routes pour arriver dans un large périmètre autour de Bruxelles. Au sud du grand bassin Vergote, le canal devient plus étroit et les ponts plus bas (4,2m de haut). En Wallonie, les ponts, eux, ont une hauteur de 4,5m. Entre Bruxelles-Sainctelette et le plan incliné de Ronquières, le canal peut accueillir des bateaux jusqu’à 1350 T.
Aujourd’hui, le canal sert principalement à transporter des matériaux de constructions, carburant, ferrailles ou grains.

Du côté flamand, le gestionnaire des voies d’eau navigables (Waterwegen en Zeekanaal) veut réaménager le canal Charleroi-Bruxelles afin que des porte-conteneurs (sur 3 niveaux) puissent arriver jusqu’à Halle. Les ponts devraient atteindre une hauteur de 7 m, la construction de nouveaux ponts et écluses devrait être réalisée, le niveau de l’eau baissée de 1,95m, la largeur du canal dans le centre de Halle devrait passer de 28 à 40m. À Bruxelles et en Wallonie, il n’y a apparement pas de projets de ce type.

Le transport de marchandises par bateau entre le nord et le sud du pays se déroule aujourd’hui en grande partie via d’autres voies d’eau comme le canal Albert, le Haut-Escaut ou la Lys. Ces voies d’eau sont adaptées à la navigation moderne avec des bateaux toujours plus grands et plus hauts.

En Wallonie, l’axe prioritaire a été finalisé avec la construction de l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu un peu après l’an 2000. Cet axe relie l’est (Liège) et l’ouest (Tournai) avec Le Centre et Charleroi.


Vers une gestion intégrée

Alors que durant les quarante dernières années l’importance du canal Charleroi-Bruxelles pour le transport de marchandises a diminué puis stagné, d’autres fonctions se sont développées et ont gagné en importance: amélioration de la qualité de l’eau, gestion de l’eau et lutte contre les inondations, développement de la nature sur et autour de l’eau, tourisme et récréation, loisirs fluviaux, mobilité active le long du canal, intégration du canal dans le milieu urbain, etc.
Ses dix dernières années, la nouvelle approche européenne promue dans la Directive Cadre européenne sur l’Eau a été reprise dans les décrets des différentes Régions qui sont en charge des voies navigables. La relation entre la Senne et son bassin en sort renforcée ainsi qu’entre la Senne et le 'canal de la Senne' entre Seneffe (le point le plus haut sur le plateau du Hainaut), Bruxelles et Bornem (embouchure du canal dans l’Escaut).


Le canal dans la vallée de la Senne

Le bassin de la Senne a une surface totale de 1160 km² et il s’étend sur la Wallonie, Bruxelles et la Flandre.
La Senne est une petite rivière de plaine qui prend sa source en Wallonie (à Naast - commune de Soignies), parcourt +/- 100 km jusqu’à sa confluence dans la vallée de la Dyle au 'Zennegat' en Flandre.

Au 19ème et au 20ème siècle, la Senne fût déviée et enterrée et voûtée. De nos jours, ce voûtement a encore des conséquences sur la gestion et l’évacuation de l’eau.
En amont de Hal, la Senne serpente sur la rive gauche du canal. Elle passe ensuite dans un siphon, sous le canal, pour ressortir du côté de la rive droite. A Bruxelles, elle est encore à ciel ouvert au sud, du côté de l’écluse d’Anderlecht et au nord de la Région, du côté de la station d’épuration de Bruxelles-Nord. À d’autres endroits, la construction du canal a coupé certains méandres de la Senne. Par exemple, à Lembeek, où une belle réserve naturelle a pu se développer sur la 'Grote Zenne'.


Canal de la Senne?

Au vu des nombreux liens (historiques, hydrauliques, écologiques,…) qui unissent la Senne et le canal, au vu de la proximité géographique de ces 2 cours d'eau, c'est tout naturellement que nous parlons du 'canal de la Senne'.
En combinant canal et Senne dans un même nom et en utilisant ce même nom dans les 3 Régions, on associe les multiples fonctions d'un canal à celles d'une rivière et on sous-entend une continuité géographique ininterrompue qui paraît plus en phase avec la situation actuelle. De plus, nous voulons insister sur le caractère multifonctionnel que la rivière jouait hier et que doit jouer le canal aujourd'hui.


Le déversoir de Lembeek
Qualité de l’eau

En raison de son faible débit et du fait qu’elle traverse des régions très denses, la qualité de la Senne n’est pas bonne, même si elle s’est améliorée de manière spectaculaire au cours des 15 dernières années. L'exploitation des nouvelles stations d'épuration ou la rénovation de celles-ci, comme celles du Hain et de Tubize en Wallonie, de Humbeek, Zemst et Grimbergen en Flandre, et surtout la mise en service de Bruxelles-Nord en 2007 (1.100.000 EH) ont largement contribué à cette amélioration.


Approvisionnement en eau du canal Charleroi-Bruxelles

Le trajet exceptionnellement vallonné entre Charleroi et Bruxelles ne demande pas que des installations techniques pour le passage des bateaux. L’alimentation en eau est, lui aussi, un problème spécifique à résoudre. En effet, à chaque éclusage, une quantité d’eau est consommée et un approvisionnement est donc nécessaire.
L'alimentation en eau du canal se fait du côté de Charleroi où l'eau des Lacs de l'Eau d'Heure est pompée jusque dans la Sambre.
L'eau de la Sambre est à son tour pompée dans le canal Charleroi-Bruxelles à chacune des écluses de Marchiennes-au-Pont, Gosselies et Viesville jusqu’au bief de partage des eaux (entre Ronquières, Strépy et Viesville) d’où elle alimente le canal Charleroi- Bruxelles et le canal du Centre. Sur le canal Charleroi-Bruxelles et sur le canal du Centre, des pompes situées aux écluses permettent de pomper de l’eau vers le bief amont pour compenser la perte. Ces pompages ont un coût énergétique non négligeable.
Le canal Charleroi-Bruxelles est également alimenté par la Samme et le Hain : d’anciens affluents de la Senne qui se jettent aujourd’hui dans le canal.


Gestion de l’eau et prévention des inondations

La Senne est une rivière de crues dotée d'un débit extrêmement variable. Les liens entre la Senne et le canal permettent à la rivière de déborder dans le canal en cas de fortes crues et d'ainsi prévenir les inondations dans les villes et communes qu’elle traverse. Le canal joue donc un rôle essentiel dans la gestion de l'eau et la prévention des inondations.

Le Plan incliné de Ronquières date de 1968!
A titre d'exemple, la Senne coule sous Halle et sous Bruxelles dans des pertuis en béton permettant le passage d'une quantité limitée d'eau et fonctionnant comme un goulot d'étranglement. En période de crue, l'eau excédentaire de la Senne qui ne peut passer dans ces pertuis est reversée dans le canal à Lembeek et Anderlecht par des déversoirs. Après le passage sous Bruxelles, cette eau est en grande partie reversée dans la Senne 'naturelle' à hauteur de Vilvorde.

En novembre 2010, la Belgique subissait de dramatiques inondations. Avec plus de 2.000 dossiers de sinistres et 34 millions d’euros de dégâts, la vallée la Senne entre Braine-le-Château, Ittre, Rebecq, Tubize, Halle, Beersel et Anderlecht était particulièrement touchés. Même le ‘canal de la Senne’, nommé en raison de ses liens étroits avec la rivière débordait: du jamais vu!

Au cours des dernières années, c’est presque chaque année que la Senne et/ou ses affluents débordent en amont de Bruxelles… heureusement sans atteindre la gravité de 2010. En décembre 2012, le mois le plus humide de la décennie, c’est cependant de justesse que la catastrophe a été évitée.

Globalement, l’urbanisation et le changement climatique sont pointés du doigt. Mais au sein de ces 2 vallées interrégionales, le morcellement des compétences dans la gestion des cours d’eau et l’absence de gestion intégrée à l’échelle de la vallée n’améliorent rien.

De plus, la capacité d’évacuation de ces 2 vallées est aujourd’hui considérée comme dépassée. Evacuer significativement plus d’eau par la Senne n’est pas possible en raison de son passage en pertuis à Halle et à Bruxelles. Quant aux ‘vannes, bypass ou aqueducs de contournement’, leur dernière modernisation date d’il y a 70 ans pour le ‘canal de la Senne’. Ils sont aujourd’hui obsolètes et ne permettent plus d’évacuer de plus grandes quantités d’eau. Ces ouvrages sont pourtant le seul moyen d’évacuer l’eau lorsque les sols sont saturés et les zones d’immersion remplies… ce qui est régulièrement le cas en hiver.

Pour venir à bout des inondations, des mesures doivent être prises à la source; ‘mieux’ urbaniser, limiter l’impact des activités agricoles, respecter les zones inondables… Ces mesures sont en fait reprises dans les plans qui définissent la gestion de l’eau, mais pas suffisamment mises en œuvre.

Dans la vallée de la Senne, il est également nécessaire de mettre en œuvre une gestion de l’eau à l’échelle de la vallée. Des priorités doivent être définies et les moyens mis en œuvre en tenant compte des caractéristiques de la vallée; La Wallonie où le relief est plus important, doit stocker plus d’eau en amont. La Flandre et Bruxelles, très urbanisés et ayant donc une capacité de stockage peu importante doivent prioritairement évacuer plus d’eau vers l’Escaut par la Senne ou par le canal.


L’eau dans la ville

Grâce à l’ amélioration de la qualité de l’eau, l’eau qui avait été refoulée ou enfouie redevient fréquentable. Il est plus agréable aujourd’hui de se promener autour du canal et les projets de logements se développent au bord de l’eau. Les récents projets de rénovations urbaines visent à l’intégration de la Senne et du canal dans le paysage de la ville.

Moulins de Ruisbroek
Pédaler le long du canal
A Tubize, le site des Forges de Clabecq accueille un nouveau projet de ville au bord du canal. Halle se rapproche de la Senne, Bruxelles veut faire du canal la nouvelle colonne vertébrale de son développement urbain et le Watersite à Vilvoorde permet à Vilvoorde de se développer entre Senne et canal. Le changement est en marche!


Mobilité douce, récréation et tourisme

Le canal est devenu un lieu qui attire. Les anciens chemins de halages sont aménagés pour permettre aux cyclistes et marcheurs de se déplacer le long du canal en-dehors de la circulation automobile et des embouteillages. Des croisières éducatives ou touristiques permettent aux passagers de découvrir le paysage depuis l’eau. Presque tous les jours, on peut observer des pêcheurs sur les rives du canal…
A l'heure actuelle, en plus de leur fonction pour le transport de marchandises, les voies navigables sont devenues des voies 'lentes' vertes et attrayantes, qui ont aussi un rôle à jouer dans une nouvelle mobilité des personnes sur et de part et d'autre de la voie d'eau.


Coordination Senne
www.coordinationsenne.be



 
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