Journal de la Senne n° 31 | juillet 2023
   
  La renouée du Japon, une plante embarrassante

Dès que l'on commence à y prêter attention, cette espèce exotique semble être partout. Chaque printemps, l'offensive de la renouée du Japon est spectaculaire. Là où elle était déjà présente, en quelques semaines les nouvelles longues tiges, semblables à celles d'un bambou, et les grandes feuilles forment un nouveau fourré impénétrable. Il est terrifiant de voir les pousses fragiles qui surgissent çà et là, à des endroits où des travaux de terrassement ont eu lieu récemment, quand on sait de quoi cette plante vivace est capable.

De quoi s'agit-il exactement?

La renouée du Japon est un hôte indésirable ou, en termes plus scientifiques, une espèce exotique envahissante (EEE) qui prospère aujourd'hui à merveille partout en Belgique et ailleurs en Europe. Souvent près des cours d'eau, mais tout aussi souvent le long des routes ou des voies ferrées, dans les jardins ou les friches, ces arbustes denses au système racinaire imposant et puissant supplantent les plantes indigènes, tant en surface qu'en sous-sol. La renouée du Japon est facilement reconnaissable en toute saison à l'état adulte, mais aussi à l'état de jeune plante.



Les plantes (et les animaux) exotiques ne constituent pas toujours un problème. Seules les espèces qui ont des effets néfastes sur l'homme et l'environnement en raison de leur prolifération et de l'absence d'ennemis naturels (qu'elles ont dans leur région d'origine) sont qualifiées de EEE. La renouée du Japon est la plante par excellence qui envahit des zones entières au détriment de la flore indigène, ce qui constitue un problème pour nos écosystèmes et la biodiversité, qu'elle est capable de réduire en raison de sa suprématie. De plus, la renouée du Japon complique les travaux de gestion autour des cours d'eau, elle entrave la visibilité et l’accessibilité de routes et de chemins, elle gêne les travaux forestiers et agricoles, elle augmente le risque d'érosion du sol et elle provoque la dégradation et l'affaiblissement des infrastructures en dur. Elle pose donc vraiment un gros problème, étant probablement la plus problématique de toutes les espèces exotiques envahissantes.

Il suffirait de l’exterminer...

Il est donc clair que tout le monde y gagnerait si on pouvait se débarrasser de la renouée du Japon. Malheureusement, l'espèce s’est déjà largement répandue, elle continue à proliférer (un petit morceau de tige ou de rhizome suffit pour coloniser un terrain !) et elle est si difficile à éradiquer qu'elle ne figure PAS sur la liste de l'Union européenne des espèces à contrôler ! Il n'y a donc aucune obligation légale de lutter contre cette espèce, comme c'est le cas pour la plupart des autres EEE. Cela semble contradictoire, mais ce n'est pas le cas. Après tout, il existe de nombreuses autres plantes et animaux envahissants pour lesquels le taux de réussite de l'éradication est plus élevé. Il est donc plus judicieux de mobiliser les ressources disponibles pour lutter contre ces autres espèces envahissantes. C'est également la raison pour laquelle la renouée du Japon ne figure pas dans le projet en cours LIFE RIPARIAS, financé par des fonds européens, dans le bassin de la Senne. Ce projet comprend, parmi d’autres actions, l’élaboration de mesures de gestion de diverses EEE qui se propagent par les voies d'eau. La renouée du Japon étant à première vue un problème beaucoup plus important que de nombreuses autres espèces, plusieurs gestionnaires de sites concernés ont dû se faire à l'idée que la plante ne ferait pas partie de ce projet à grande échelle.

Heureusement, de nombreuses autres initiatives sont prises pour contrôler ou contenir la plante, localement ou non. Des informations et des recommandations sont diffusées à différents niveaux (municipal, supra-municipal, régional, sectoriel, etc.). Il s'agit principalement de modèles de décision qui alternent des mesures préventives (par exemple, mesures de précaution en cas de travaux de terrassement, surveillance et éradication à un stade précoce après les travaux de terrassement,...) avec des mesures de gestion visant à empêcher la propagation (par exemple, ne pas tailler la plante ou assurer l'évacuation contrôlée des tailles) et des mesures d'éradication (couverture, pâturage, déterrage,...).

www.crdg.eu/component/jdownloads/send/74-plantes-invasives/1122-essai-de-gestion-des-renouees
(F. LAVIOLETTE, DNF – octobre 2016 ‐ Namur)

Deux exemples de travaux de terrassement en hiver et de germination massive de renouées au printemps. Si l'on n'intervient pas rapidement, la plante envahit tout.


Un petit morceau de rhizome peut suffire à produire de nouvelles plantes, même sur un sol minéral non fertile.

Diverses tentatives sont faites par les gestionnaires de sites pour épuiser localement la plante (en enlevant physiquement les nouvelles pousses très régulièrement). Par exemple, Bruxelles Environnement et Elia utilisent des moutons pour manger les feuilles de la plante et ainsi l'épuiser. A Borsbeek, ce sont des bovins écossais Galloway qui sont utilisés. Les jeunes pousses sont d'ailleurs également comestibles pour l'homme. On peut les préparer de la même manière que les asperges.
L'épuisement est le terme exact car les brouteurs ne mangent que les parties aériennes. Les racines continuent à produire des pousses jeunes mais toujours plus faibles. On essaie également d’éradiquer la renouée du Japon à l'aide de produits chimiques (ce qui n'est pas très souhaitable et ne donne pas de résultats satisfaisants), mais il existe aussi des méthodes plus spectaculaires. Certaines entreprises prétendent pouvoir supprimer la renouée par l’électrocution.

Les tentatives de Bruxelles Environnement d'éradiquer la renouée localement, sur les rives de la Senne à Anderlecht, par ensemencement hydraulique n'ont pas connu de succès l’hiver dernier. Le sol de la berge infestée a été recouvert de bâches au début du mois de mars, puis recouvert sous pression hydraulique d'un mélange de graines de graminées et de fleurs, de paillis et d'engrais, dans le but de "conquérir" la berge avec des espèces indigènes le plus rapidement possible. Il est déjà évident que la renouée du Japon en décidera autrement. La force avec laquelle la plante prolifère sous les toiles est immense et, en plusieurs endroits, elle perce les toiles dès le mois de mai. On peut supposer que la cause de cet échec est un semis trop précoce dans la saison.



Des recherches sur la lutte biologique sont en cours. Les progrès les plus importants ont été réalisés au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, à l’aide du psylle du Japon Aphalara itadori. Le psylle aspire la sève à l'aisselle des feuilles des plantes, ce qui affaiblit ces dernières. En outre, la renouée pousse moins vite et est moins capable de se propager. Bien sûr, on peut questionner le fait d’introduire de nouvelles espèces exotiques pour lutter contre d'autres. Même si l'idée d'un bon agent de lutte biologique est très séduisante, de telles expériences doivent être menées avec prudence et contrôle, ce qui prend du temps.

Que pouvons-nous faire nous-mêmes?

L'importation d'espèces végétales et animales exotiques peut toujours présenter des dangers. Il n'est donc jamais judicieux d’introduire des espèces de manière incontrôlée. Par ailleurs, il n'y a pas si longtemps, les tiges de la renouée du Japon étaient très souvent utilisées pour étoffer des bouquets de fleurs. Cela a certainement contribué à la propagation de l'espèce. Aujourd'hui, nous sommes mieux informés et il existe des conseils précis pour chaque stade de croissance de la plante. Les jeunes plants doivent être enlevés le plus tôt possible, avec l'ensemble du système racinaire et en toute sécurité (jeter avec les déchets résiduels). Plus les colonies de plantes sont anciennes et étendues, plus la tâche est difficile et plus l'éradication et la remise en état du terrain doivent être effectuées avec l’aide de professionnels. Tout le monde peut signaler la présence de la renouée du Japon sur le site www.observations.be ou auprès de la commune ou de la province.

 
 

D'où vient la renouée du Japon?

La renouée du Japon est originaire du Japon, de Chine, de Taïwan et de Corée. C'est le médecin Philipp Franz von Siebold qui a introduit la plante aux Pays-Bas au XIXe siècle. Il occupait un poste commercial hollandais au Japon et a fait des recherches sur la flore et la faune japonaises. La plante a été adoptée par le Hortus de Leiden, le plus ancien jardin botanique des Pays-Bas.
À partir du Hortus, la renouée s'est répandue aux Pays-Bas et dans le reste de l'Europe. Ce n'est qu'après 1950 que l'espèce s'est répandue à grande échelle et que la plante est apparue soudainement partout aux Pays-Bas. Cela s'explique probablement par le fait que les gens ont jeté des déchets de jardin avec des résidus de plantes dans la nature et dans les décharges.

Source: Kennisnetwerk invasieve exoten
(Réseau de connaissances sur les espèces exotiques envahissantes, www.invasieve-exoten.info)

 

Juillet 2023 - Coordination Senne
   
 
 

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