Journal de la Senne n° 29 | décembre 2022
   
  A propos de l'eau de source, de l'eau du robinet et de l'eau de pluie

Une source est un endroit où l'eau sort naturellement du sol en provenance d’une nappe phréatique pour ensuite continuer de s'écouler à l'air libre. C'est facile. Les sources font partie du cycle naturel de l'eau. L'eau emprisonnée dans le sol s'échappe et s'écoule vers la mer pour s'évaporer à nouveau et retomber sur terre sous forme de précipitations. L'eau pénètre dans le sol et réalimente ainsi une nappe qui ne se remplit jamais trop car les petites sources libèrent de l'espace...

© Hans Welens
Quiconque arrive sur une île déserte cherche une source d'eau douce car comment survivre autrement? Il est donc logique que depuis toujours les infrastructures humaines se soient établies près des sources. Dans le passé, les brasseries et autres industries nécessitant ou non de l'eau potable se sont souvent développées à proximité des sources.
Ce n'était pas différent à Bruxelles. Si vous cherchez un peu, vous trouverez souvent un lien avec les sources et l'eau en général, elles font partie de notre patrimoine culturel et naturel.


Et puis il y eut l'eau du robinet...


© Coordination Senne

L'eau du robinet change la donne. Avoir de l'eau propre et potable à son robinet à tout moment est devenu un confort de base, et c'est tant mieux! Pourtant, le fait que l'eau rendue potable (et qui coûte de l'argent!) provienne presque sans limite et sans effort du robinet ou de la cuvette de vos toilettes, et qu’en quelques secondes ou le temps d'une douche cette eau ait disparu de notre maison, a entrainé une perte collective de la connaissance du cycle naturel de l’eau. Ce qui n'a pas aidé non plus c’est que l'eau du robinet soit devenue commune depuis le début du XXe siècle, alors que l'épuration collective de l'eau ne s'est banalisée qu'un peu plus d'un siècle plus tard.
Au cours de ce siècle, nous avons massivement pollué tous nos cours d'eau avec des eaux usées, nous les avons enfouis sous terre (comme à Bruxelles) et nous les avons fait couler le plus rapidement possible (lits rectifiés, canalisés) afin d'être confrontés le moins possible avec cette pollution. Pas étonnant donc que nous ayons perdu la connexion avec nos cours d'eau.
Qui sait encore où se trouvent les sources du cours d'eau de son village ou de sa ville, qui profite encore d’un moment paisible, les pieds dans l’eau d’un petit ruisseau? L'eau doit-elle nécessairement être rendue potable afin de l'utiliser pour une grande variété d'applications? Où va ce ruisseau et comment a-t-il sculpté le relief à cet endroit? Le type de forêt, l'utilisation optimale des terres, les zones sensibles aux inondations,... Tout est lié à ce cours d'eau et pourtant nous avons perdu notre affinité avec lui.

Il est temps de revenir en arrière

Le bon fonctionnement de l'épuration de l'eau est une condition de base absolue pour que le cycle de l'eau urbain soit intégré sans perturbation dans le cycle naturel de l'eau. Ce traitement de l'eau est aujourd'hui disponible et des progrès techniques sont encore en cours pour produire des matières premières à partir des eaux usées: eau aussi propre que possible, énergie, composés chimiques utiles, etc.
Mais il en faut certainement plus! Cependant, la bonne nouvelle c’est que tout le monde peut faire plus que ce qui semble possible à première vue. Plus l'eau est sale (en termes de concentration bien sûr, pas en termes de polluants qui n’ont pas leur place dans les eaux usées domestiques comme les pesticides, les huiles, les lingettes humides, etc.), plus le traitement devient efficace et moins cher. Si vous savez qu'environ un tiers du volume d'eau qui entre dans la station d'épuration est constitué d'eau de pluie et qu’un autre tiers provient des sources et des eaux souterraines alors nous savons comment agir. Si vous savez qu'environ un tiers du volume d'eau qui entre dans la station d'épuration est constitué d'eau de pluie et qu’un autre tiers provient des sources et des eaux souterraines alors, ensemble, nous devons veiller à ce qu'aucune eau propre ne soit rejetée dans les égouts.

Gestion intégrée des eaux de pluie

© Coordination Senne
Amener l'eau de pluie à la station d'épuration, c'est comme remettre du linge lavé dans le lave-linge: inutile, coûteux et inefficace. Toute cette eau de pluie présente dans les égouts entraîne également une saturation rapide de l'ensemble du réseau d'égouts en cas de fortes pluies. Dans de tels cas, des mécanismes de sécurité entrent en jeu, appelés 'déversoirs', qui garantissent que le trop-plein d’eaux usées de ces égouts est déversé directement dans les cours d'eau sans être traité, ce qui entraîne une pollution des cours d'eau.
Nous devons donc opérer des changements radicaux, parfois mentaux, tant au niveau collectif qu'individuel. Tout d'abord, l'eau de pluie doit être considérée comme une ressource précieuse, propre et bon marché, et non comme un élément à éliminer rapidement via les égouts. Récupérer et utiliser l'eau de pluie à l'aide de puits et de citernes, désimperméabiliser les sols pour que l'eau puisse à nouveau s’infiltrer, installer des toitures vertes pour tamponner l'eau de pluie, déconnecter les descentes d’eau pluviale des égouts, aménager des zones d'infiltration simples et ingénieuses, etc.: tout ce qui permet de ne plus perdre d'eau de pluie sur une parcelle en l'utilisant, en la laissant s'infiltrer, en la tamponnant et seulement en dernier recours en retardant son rejet vers l’égout.

Tout le monde peut et doit faire sa part. Cela ne doit pas nécessairement être difficile ou coûteux, et l'impact de tous ces gestes, ensemble, est énorme! En outre, ces mesures amènent généralement d'importants effets additionnels: refroidissement de la ville, possibilités supplémentaires pour la biodiversité, résistance face à la sécheresse et aux inondations, voire même une réduction du risque de pénurie d’eau potable. L'information, la sensibilisation et l'éducation, comme le fait par exemple Coordination Senne, jouent un rôle majeur à cet égard.

Retour aux sources

Les estimations varient, mais environ un autre tiers de l'eau qui arrive dans les stations d'épuration est constituée d'eau de source et d'eau souterraine (pompée ou drainée). L'asbl Coordination Senne et ses bénévoles ont déjà trouvé plus de 200 sources en Région bruxelloise. Parfois, ce sont de petits joyaux cachés au sein de réserves naturelles, d’autres fois ce sont des sources remarquablement situées et qui ont joué un rôle important dans le tissu social durant plusieurs siècles. En tout cas, nous avons établi que l'eau d'une soixantaine de ces sources se retrouve à l'égout, immédiatement ou indirectement. Ce sont de grandes quantités d'eau propre qui devraient être dirigées vers les cours d'eau plutôt que vers la station d'épuration. Il conviendrait donc, dans la mesure du possible, d’accorder plus d’importance à ces sources et aux ruisseaux proches de ces sources afin de pouvoir profiter des effets supplémentaires similaires à ceux de la gestion intégrée des eaux pluviales décrits ci-dessus.

La gestion des eaux pluviales et la gestion des eaux de sources font donc partie du même défi. Les sources ne peuvent continuer à couler et à alimenter en eau les cours d'eau et la biodiversité qui y est associée que si les nappes phréatiques continuent à être alimentées. Le drainage ne doit pas être pris à la légère et il faut permettre à l'eau de pluie de s'infiltrer au plus près de l'endroit où elle tombe sinon les nappes phréatiques continueront à baisser ce qui risque de provoquer un problème majeur pour les cours d'eau et toute la vie et les plaisirs qui en dépendent.

Action!

La gestion des eaux de sources et des eaux pluviales est maintenant prise au sérieux. En Région bruxelloise, différentes mesures ont été intégrées dans le nouveau Plan de Gestion de l'Eau.
Soit dit en passant, ce plan est soumis à un examen public du 1/11/2022 au 30/4/2023.

Avec Coordination Senne nous poursuivons notre inventaire des sources et nous espérons pouvoir participer à des projets de restauration, revalorisation et déconnexion de certaines sources du réseau d'assainissement.

Divers projets sont également en cours dans le bassin de la Senne en Flandre, au nord de Bruxelles dans la vallée de la Woluwe (par le Regionaal Landschap Brabantse Kouters), au sud dans la vallée du Molenbeek à Beersel, Rhode-Saint-Genèse et Halle (par le Projet Stratégique Zennevallei) et à l'est dans la vallée de la Dyle (par le Projet Stratégique Walden). Toutes les sources y sont cartographiées de manière claire et une tentative sera faite pour créer une plus-value écologique autant autour des sources que des cours d'eau eux-mêmes et avec l'eau que les sources produisent. Mieux nous pourrons laisser le cycle naturel de l'eau faire à nouveau son travail grâce à toutes ces mesures, moins nous serons finalement touchés par la sécheresse, les inondations, la mauvaise qualité de l'eau et le changement climatique. Et nous espérons que de cette façon, nous rétablirons notre connexion avec l'eau. Nous rêvons d’un futur pas si lointain, buvant secrètement une gorgée d'eau de source les pieds dans le ruisseau.

Coordination Senne
   
 
 

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