Journal de la Senne n° 28 | juni 2022
   
  Conférence Afterwork:
gestion alternative des eaux pluviales pour une ville durable

Le 30 novembre 2021, l'asbl Coordination Senne a organisé une rencontre pour un public varié de professionnels et intéressés sur le thème de la gestion des eaux pluviales en milieu urbain, un thème très actuel à l'heure du changement climatique, des inondations et des épisodes de sécheresse. A Bruxelles, en Belgique et partout ailleurs, il y a une prise de conscience croissante qu'il faut déminéraliser, reverdir et utiliser l'eau de pluie comme un atout là où elle tombe au lieu de l'évacuer au plus vite via diverses canalisations.

L'ambition politique est essentielle lorsqu'il s'agit de questions sociales générales. C'est pourquoi nous avons d'abord sondé la position du ministre de l'Environnement et de la Transition climatique Alain Maron. A cause d’un empêchement de dernière minute, Alexis Carles, conseiller Eau du ministre, n'a malheureusement pas pu ouvrir la conférence, mais la vision du cabinet est claire: la gestion intégrée des eaux pluviales (GIEP) figure en bonne place sur la liste des priorités. Concrètement, des enveloppes budgétaires régionales sont prévues pour communiquer largement sur la GIEP tant auprès des autorités que du grand public, pour orienter les acteurs et les gestionnaires, et pour financer certaines études devant conduire à terme à déconnecter au maximum les eaux pluviales du réseau d'égouts.

 
© Coordination Senne   © Coordination Senne

Michel Bénard, expert en gestion de l'eau et directeur général de la société d'ingénierie française Infra Services a ouvert les hostilités. De manière inspirante et sur base de 34 ans d'expérience pratique, M. Bénard a tenté de faire comprendre à la salle, en s’appuyant sur de nombreux bons (et mauvais) exemples, qu'il est toujours possible de déconnecter l'eau de pluie du réseau d'assainissement, quelque soit la densité du bâti. En substance, pour M. Bénard, GIEP signifie 'apporter l'eau de pluie vers un lieu ou vers un ouvrage d'art qui a déjà une certaine fonction'. De cette manière, la GIEP est aussi par définition une méthode bon marché. Son conseil est résolument d'arrêter d'investir davantage dans des constructions souterraines coûteuses (comme les bassins d’orage) et d'utiliser ces moyens financiers pour réaliser les déconnexions là où c'est le plus évident. Concrètement, des aides peuvent ainsi être utilisées pour par exemple réaliser une carte sur laquelle est indiqué le potentiel de déconnexion par parcelle, carte qui peut ensuite être utilisée par l'autorité qui délivre les permis d’urbanisme.

Le premier intermède visuel a été proposé par Canal it up, une association particulièrement engagée pour l’amélioration de la propreté de l’eau du canal. Avec leur vidéo, nous avons pu comprendre comment la gestion des eaux pluviales à Bruxelles a directement un impact sur la qualité de l'eau du canal, via le fonctionnement des déversoirs d’eaux usées en cas de fortes pluies. Canal it up demande principalement la réalisation d’un plan futur dans lequel la GIEP jouera un rôle important dans la lutte contre les inondations et la pollution de l'eau qui y est associée.

 
© Coordination Senne   © Coordination Senne

Virginie Despeer, conseillère en urbanisme auprès du secrétaire d'Etat à l'urbanisme Pascal Smet, a expliqué les récentes évolutions concernant le Règlement Régional d'Urbanisme (RRU). Le RRU actuel date de 2007 et n'a pas été adapté à la situation présente dans le domaine de la gestion des eaux pluviales ou dans d'autres domaines. L'une des étapes du processus participatif de cette mise à jour ambitieuse est le rapport du comité d'experts récemment publié. V. Despeer a indiqué que le nouveau RRU travaillera principalement avec des objectifs plutôt qu'avec des formules et des calculs complexes. L'objectif le plus frappant en matière d'eau de pluie est sans aucun doute l'application du principe 'pas de rejet d'eau de pluie à l'égout' dans les nouveaux projets de construction. La gestion des eaux pluviales doit être faite au niveau de la parcelle en laissant le libre le choix des techniques à appliquer. Dans les phases à venir, ces objectifs devront être traduits en textes juridiques efficaces, mais on peut donc supposer que la gestion intégrée des eaux pluviales prendra une place plus importante dans le nouveau règlement d'urbanisme à partir de 2023. Des manuels écrits et un accompagnement spécialisé de Bruxelles Environnement devront aider à façonner l'ensemble.

Après la pause, Pascal Fostiez a évoqué la mise en place de la gestion intégrée des eaux pluviales par Bruxelles Mobilité, où il occupe depuis le 1er novembre le tout nouveau poste de consultant nature et eau. P. Fostiez a parlé de 2020 comme une année charnière pour Bruxelles Mobilité: l'eau était autrefois considérée comme un élément potentiellement nuisible ou dangereux, qu'il fallait évacuer au plus vite. Aujourd’hui, avec le verdissement, la GIEP est structurellement intégré dans tous les grands et petits projets de Bruxelles Mobilité. Sur la base de réalisations exemplaires, P. Fostiez a pu démontrer que Bruxelles Mobilité dispose effectivement d'un fort potentiel de déminéralisation et de verdissement associé, grâce auquel l'eau de pluie peut être efficacement valorisée dans l’aménagement. Il a clairement tendu la main à Bruxelles Environnement et aux communes qui y jouent un rôle important. Nous sommes curieux de découvrir les belles réalisations qui en résulteront!

Un second intermède visuel a été proposé par l'asbl Less Béton. Dans leur vidéo, nous voyons qu'il existe également des initiatives citoyennes et associatives pour déminéraliser physiquement et reverdir ces espaces avec des plantes indigènes. La participation citoyenne est essentielle pour Less Béton et c'est précisément pourquoi l'effet sensibilisateur de ces petits projets ne peut être sous-estimé.

 
© Coordination Senne   © Coordination Senne

La dernière intervenante fut Birgit De Bock, chercheuse à Aquafin, en Région flamande. Elle a expliqué comment la mission d'entreprise d'Aquafin a évolué au fil des ans, à la suite d'une modification législative en 2000, en Flandre, qui oblige les citoyens et les entreprises à rejeter séparément les eaux usées et les eaux pluviales pour les nouvelles constructions et les rénovations. A côté de sa mission pour l’épuration des eaux usées, cela a soudainement fait d'Aquafin un gestionnaire de systèmes d'eaux pluviales. Avec l'évolution du règlement flamand d'urbanisme, dans lequel l'infiltration, le tamponnage et l’évacuation différée des eaux pluviales sont devenus des éléments importants, Aquafin a également travaillé de manière créative. Croyant fermement aux partenariats, Aquafin a entretemps développé une grande expertise en matière de GIEP et a déjà élaboré de nombreux plans de gestion des eaux pluviales pour plusieurs villes et communes de Flandre. I. De Bock a conclu avec plusieurs exemples inspirants tels que le quartier Marnix à Overijse, les ‘rues de l'eau’ au cœur d'Anvers, mais aussi de plus petites réalisations dans des jardins privés. Toutes les échelles sont bonnes pour la GIEP!

Ces présentations ont été filmées et peuvent être visionnées ici.
Notez que suite à un problème technique, lors de la présentation de Michel Bénard, la bande sonore fonctionne dès le début mais les images ne commencent à tourner qu'après environ 17 minutes et 20 secondes. Toutes nos excuses.

Toutes ces présentations sont intéressantes mais aussi prometteuses. La GIEP semble en effet s'infiltrer dans divers organismes et niveaux, même s'il existe encore de nombreuses incertitudes. Une bonne surveillance et un retour d'information seront importants pour faire de la gestion durable des eaux pluviales un pilier important pour rendre nos villes plus résistantes aux changement climatique.

Coordinaton Senne
   
 
 

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